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Oleg Sentsov. Le grand entretien



Oleg Sentsov a choisi de ne pas se mettre en retrait. Libéré fin août, il va désormais alerter le monde sur les sorts des prisonniers ukrainiens détenus en Russie. Ils sont encore 86. Ils sont bien moins connus qu’Oleg Sentsov. Et une bonne partie d’entre eux sont des Tatars de Crimée, considérés comme russes par les autorités. Le cinéaste a rencontré Emmanuel Macron mardi dernier à Strasbourg. Au moment où le président français a décidé de se rapprocher de la Russie, l’ancien prisonnier lui a rappelé la réalité : la Crimée toujours illégalement annexée, le Donbass en guerre, le blocage de la situation tant que Poutine sera au pouvoir. Quelques jours plus tôt, Oleg Sentsov avait accordé un grand entretien au journal russe « Novaya Gazeta ». Nous vous proposons la traduction de quelques extraits. En attendant de recevoir Oleg Sentsov.

La libération « Beaucoup de gens disent que [ma libération] était inattendue. Pour moi, il n’y avait rien d’inattendu. J’attendais cette libération dès le premier jour de ma captivité, et pendant cinq ans. Je suivais attentivement la situation politique, notamment ce que disait le pouvoir russe, et je voyais que tout s’orientait vers cette issue. Des discussions sur un échange [de prisonniers] ont eu lieu dès la fin mai, lorsqu’il est devenu clair que la Russie resterait au sein du Conseil de l’Europe et était donc prête à nouer un dialogue avec l’Ukraine. J’ai passé neuf jours à [la prison moscovite de] Lefortovo, je n’ai pas été nerveux, je dormais tranquillement. En général, je suis resté calme, jusqu’au moment où je suis sorti de l’avion et ai vu ma fille. »

A la colonie de Labytnangui « Dans la journée, on venait toutes les deux heures à la baraque vérifier [si j’y étais bien], et la nuit une patrouille venait aussi toutes les deux heures et m’éclairait le visage. (…) On n’a jamais usé de la force physique contre moi, mais des tentatives pour m’humilier, pour me piétiner moralement, il y en avait à chaque pas. Le problème n’est pas la prison, mais votre relation intérieure avec elle. La prison brise un homme sur deux et le transforme en déchet. J’ai vu comment, en six mois, elle pouvait mener un homme à bout. La prison ne m’a pas été aussi dure qu’à d’autres. Peut-être suis-je moins impressionnable. Peut-être ai-je été mieux préparé. Je me sentais… je ne dirais pas bien, mais tranquille. Il n’y a pas eu de catastrophe. Quant à savoir si l’expérience du camp est mauvaise… Je dirais que toute expérience est bonne. »


La vie après la prison « J’ai l’obligation de parler [des autres prisonniers ukrainiens]. Je ne suis pas un défenseur des droits, mais je suis un organisateur. J’ai toute ma vie travaillé avec des gens et des process. Je n’étais pas attiré par la défense des droits de l’Homme, mais je suis désormais dans la sphère publique. La vie m’y a amené. Je ne peux pas me cacher dans l’ombre et dire au revoir à tout le monde. Je vais faire tout ce que je peux pour mon pays, pour combattre le régime de Poutine, pour soutenir les prisonniers politiques. Je n’aurai pas le temps de faire des choses très concrètes — participer à des émissions, m’occuper de cas particuliers —, mais je le ferai à un autre niveau. »



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