Vladimir Boukovski. L'inspirateur
Le 27 octobre dernier un homme de 76 ans est mort d’un arrêt cardiaque dans un hôpital de Cambridge. Cet événement n’a pas fait les gros titres. Or cet homme était un géant, un homme de la stature de Nelson Mandela, Alexandre Soljenitsyne ou Vaclav Havel. Vladimir Boukovski était l’un des plus flamboyants dissidents soviétiques.
Né en 1942, il prend très vite conscience du mensonge de la propagande soviétique. Dès l’école, il refuse de participer. À la barbe du régime, il organise des réunions publiques consacrées à la lecture de poésies et anime le mouvement dissident. Suivi en permanence, menacé, tabassé, il est enfin arrêté. Durant douze ans, il enchaîne les séjours en hôpitaux psychiatriques pour « ceux-qui-pensent-autrement », en prison et en camps de travail. Mais il ne s’avoue jamais vaincu. Il lutte pied à pied pour ses droits et entraîne ses codétenus dans des actions ou des grèves de la faim souvent victorieuses. Il devient aux yeux de l’Occident l’une des figures de proue de la résistance au régime. Excédé, le pouvoir soviétique l’expulse en 1976, l’échangeant contre un dirigeant communiste détenu au Chili. Il reprend ses études en Occident, rédige son autobiographie, participe à de mémorables rencontres avec des intellectuels européens et conseille les dirigeants occidentaux. À la chute du communisme, en 1991, il appelle de ses vœux un procès du soviétisme. En vain. Après l’arrivée au pouvoir de l’enfant du KGB Vladimir Poutine, en 2000, il devient un opposant en exil, et dénonce le retour du soviétisme rampant en Russie.
Nous avons rencontré Boukovski, chez lui, à Cambridge, au début de 2012, juste après un mouvement inédit de protestation civique en Russie contre des élections truquées. Dans son petit pavillon de Cambridge, entre les cendriers pleins et les appels téléphoniques de Russie, nous avons écouté un être libre, lucide, d’une intelligence prodigieuse, et doté d’un immense sens de l’humour. Nous l’avons invité plusieurs fois à Paris, mais il était trop faible pour se déplacer. Maintenant, il n’est plus. Mais on peut faire sa connaissance, ou le retrouver, en lisant son autobiographie, Et le vent reprend ses tours (Le Livre de poche, épuisé, en vente chez les bouquinistes, et à rééditer d’urgence !). Il y est tout entier, avec ses blagues soviétiques, son courage, sa force vitale. Vladimir Boukovski, parti discrètement, est et redeviendra l’une des sources d’inspiration principales pour les dissidents d’aujourd’hui. Il ne nous quittera pas comme ça !