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Les Tatars de Crimée : vivre et survivre sous Poutine

Malgré une interdiction officielle, les Tatars se réuniront en Crimée le 18 mai 2017 pour marquer le 73e anniversaire de leur déportation sous Staline

Pour la troisième fois consécutive, la commémoration de la déportation des Tatars de Crimée est interdite par les autorités russes. Dans l’indifférence générale, Poutine tente de réécrire l’histoire des déportations staliniennes.


Trois ans après l’annexion de la Crimée par la Russie, les Tatars de Crimée continuent de se rassembler pour commémorer leur histoire dramatique. En une seule journée, le 18 mai 1944, presque 200.000 personnes furent déplacées, sur l’ordre de Staline, vers les Républiques d’Asie Centrale. Des milliers d’entre eux périrent durant ce déplacement forcé, faute d’approvisionnement, à cause des mauvaises conditions sanitaires et du froid. La mémoire de cette tragédie reste encore très vive pour les Tatars.

Le 16 mars 2014, le jour où tout a changé.

Le rattachement forcé de la péninsule de Crimée en mars 2014, après l’intervention des forces spéciales russes et un référendum téléguidé par le Kremlin, a été suivi d’arrestations et de persécutions des activistes pro-Ukrainiens et Tatars, qui ont manifesté leur opposition au nouveau pouvoir. Après l’annexion de la péninsule, la Russie a déclaré le Mejlis, assemblée représentative des Tatars, illégal et s’est lancée dans la persécution de ses membres. Désormais, les nouvelles autorités de la Crimée occupée recrutent des Tatars loyaux à Poutine et organisent avec eux la vie de la communauté. Poussés dans la clandestinité, les activistes tatars quittent la péninsule ou se retrouvent sur les bancs des accusés pour terrorisme, séparatisme ou simplement pour opposition politique. Nombreux sont parmi eux qui ressentent le retour de la main de fer du pouvoir soviétique. Chassés à nouveau de leur terre natale, des Tatars reconstruisent leurs vies en Ukraine continentale avec l’espoir de revenir chez eux. Ceux qui restent en Crimée continuent à se battre, comme à l’époque où tous croyaient que l’URSS ne tomberait jamais.


Nara Narimanova, âgée de 30 ans, a quitté sa Crimée natale en avril 2014. Elle s’exprime désormais librement en Ukraine continentale :


« En tant qu’activiste, je suis moins exposée aux risques ici à Kiev. Lorsque je retourne Crimée, en revanche, je peux faire objet d’une surveillance en lien avec mon activité et mes origines ».


Et pour Mustafa Djemilev, dissident soviétique et leader spirituel des Tatars de Crimée, l’histoire se répète : pour la première fois le 18 mai 1944, encore enfant, il fut déporté avec sa famille en Ouzbékistan. 15 ans dans des camps soviétiques, 300 jours de grèves de la faim, et le retour tant attendu en Crimée à la fin des années 1980… Le 22 avril 2014, pour le punir de son opposition à Vladimir Poutine, qui voulait en faire un collaborateur de l’occupation, les autorités russes lui ont interdit l’entrée en Crimée pour cinq ans.


La vie en exil est une expérience partagée par des milliers de Tatars de Crimée qui ont quitté leurs foyers par peur des persécutions, ou à la recherche d’une vie meilleure.


Nara évoque la situation des habitants de la péninsule :


« En isolement absolu, la société civile en Crimée est étouffée. Les autorités russes ont peur de la communauté tatare, ce qui explique l’interdiction de commémorer le 18 mai. Mais les Tatars continueront à se rassembler. Nous ne sommes pas rentrés en Crimée pour repartir à nouveau pour toujours. L’histoire se répète, certes, mais en cédant nous laisserions ce cadeau à Poutine qui veut effacer notre histoire ».


Les Tatars réfugiés en Ukraine continentale comptent donc bien, comme Mustafa Djemilev en son temps, retrouver la terre de leurs ancêtres.




Les Tatars de Crimée manifestent à Kiev, 18 mai 2016 (les archives personnelles de Nara Narimanova)

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