On ne naît pas dissident, on le devient
Le journaliste Jamal Khashoggi a été "étranglé dès qu'il a pénétré dans le consulat" saoudien d'Istanbul, le 2 octobre dernier. Ce terrible détail, révélé par le Parquet turc, est un élément essentiel de ce meurtre sordide : quel qu'en soit le commanditaire au sein du pouvoir saoudien, cette préméditation prouve la détermination à faire taire un opposant. Pour autant, Jamal Khashoggi était-il un dissident, lui qui avait fréquenté les "hautes sphères" de la famille royale de son pays ? Justement. Le principe même de la dissidence est là : on ne nait pas dissident, on le devient. Par rupture. Le dissident ne sait pas qu'il l'est, jusqu'à ce qu'il prenne conscience des mensonges et des abus du régime dans lequel il vit, et des principes personnels qui l'empêchent de se taire. Jamal Khashoggiracontait ainsi depuis un an, dans les colonnes du Washington Post, la dérive autoritaire du prince Mohammed ben Salmane Al Saoud surnommé "MBS".
Le dissident est un marqueur. Leur multiplication est à la fois salutaire et inquiétante : leur apparition va de pair avec la multiplication des régimes autoritaires à travers le monde. Avant même sa prise de fonction, le président brésilien élu Jair Bolsonaro, nostalgique assumé de la dictature (1964 - 1985) a promis de faire fermer le quotidien centriste Folha de Sao Paulo, ulcéré par deux enquêtes de la journaliste Patricia Campos Mello. Désormais celle-ci vit sous protection policière. Reporter confirmée, Patricia Campos Mello est peut être en train de devenir la première dissidente du Brésil 2018. L'avenir le dira. Tout dépendra de la solidité des garde-fous institutionnels du Brésil démocratique face à la dérive autoritaire qui s'annonce.