Gene Sharp, Non violence : Mode d’Emploi
Aujourd’hui, nous voulons à nouveau célébrer la mémoire de cet homme qui a consacré sa vie d’intellectuel à théoriser les stratégies de la lutte non-violente contre les pouvoirs autoritaires (”des stratégies conçues pour gagner et non seulement pour résister”).
La meilleure façon de donner une idée de la portée de son œuvre consiste certainement à donner quelques extraits de son ouvrage De la dictature à la démocratie (qui est disponible sur Internet, grâce à l’Albert Einstein Institution et à L’École de la Paix de Grenoble : https://www.aeinstein.org/wp-content/uploads/2013/09/FDTD_French.pdf). Un peu de lecture :
L’obligation de lutter
« Lorsque les enjeux sont fondamentaux, qu’ils affectent des principes religieux, des libertés humaines ou le développement futur de toute la société, les négociations ne peuvent pas trouver une solution acceptable. Sur des questions fondamentales, il n’y a pas de compromis possible. Seul un changement radical des relations de pouvoir en faveur des démocrates peut assurer la sauvegarde des enjeux fondamentaux. Un tel changement s’obtiendra par la lutte et non par des négociations. »
La défiance politique
« Quelle sont donc les voies suffisamment sûres qui peuvent s’offrir à une résistance démocratique pour aggraver les faiblesses des dictatures (…) ? La réponse est la défiance politique. Elle a les caractéristiques suivantes :
Elle ne s’engage en aucun cas dans les domaines de lutte choisis par le pouvoir dictatorial.
Elle est difficile à combattre par le régime.
Elle seule peut aggraver les faiblesses de la dictature et peut couper les sources de son pouvoir.
Son action peut être soit largement dispersée, soit concentrée sur un objectif spécifique.
Elle conduit le dictateur à des erreurs de jugement et d’action.
Pour mettre fin à la domination brutale de quelques-uns, elle peut, dans le combat, mobiliser efficacement toute la population et les groupes et institutions de la société.
Elle contribue à décentraliser le pouvoir dans la société, préparant ainsi l’établissement durable d’une société plus démocratique. »
« L’histoire nous montre que si la défiance politique entraîne des morts et des blessés, elle fait beaucoup moins de victimes que la résistance armée. »`
La non-violence : une arme
« La lutte non-violente est un moyen beaucoup plus complexe et multiforme. Son arsenal inclut des armes de nature psychologique, sociale, économique et politique qui sont maniées par la population et les institutions sociales. On parle de protestations, de grèves, de non-coopération, de boycotts, de désaffection ou de pouvoir du peuple. Elles s’appuient sur ce besoin vital des gouvernements de disposer de la coopération, de la soumission et de l’obéissance de la population et des institutions sociales. La défiance politique, contrairement à la violence, sert justement à tarir ces sources de leur pouvoir. »
« Près de 200 méthodes spécifiques d’action non-violente ont été identifiées et il y en a certainement d’autres. Elles sont classées en trois larges catégories : la protestation et la persuasion, la non-coopération, et l’intervention… »
« Pour assurer le succès de la défiance politique contre une dictature, il est essentiel que la population saisisse la notion de non-coopération. (…) l’idée de base est simple : si un nombre suffisant de subordonnés refusent de coopérer pendant suffisamment longtemps malgré la répression, le système oppressif s’affaiblit et, finalement, s’effondre. »
Comment renverser une dictature ?
« Pour renverser une dictature efficacement et au moindre coût, il est impératif de travailler à quatre tâches :
Renforcer la détermination de la population opprimée et sa confiance en ellemême, et améliorer ses compétences pour résister ;
Fortifier les groupes sociaux indépendants et les institutions qui structurent la population opprimée ;
Créer une puissante force de résistance interne ;
Développer un plan stratégique global de libération judicieux et le mettre en œuvre avec compétence. »
Ne pas rêver
« Il ne faut pas croire que la chute d’une dictature signifiera l’apparition immédiate d’une société idéale. »