La semaine d’un grand homme Alexandre Loukachenko a la tête qui tourne
Le Bélarus vient de traverser une semaine de célébrations. Mais le président Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, était-il à la fête ? Feuilletons son emploi du temps*
Samedi 29 Juin
C’est le Jour de la Jeunesse, une des innombrables fêtes catégorielles datant de la période soviétique. Il faut féliciter tous ceux qui, depuis leur naissance, n’ont jamais connu qu’Alexandre Loukachenko à la tête de leur pays : « Vous avez eu la chance de naître et de grandir dans un Etat souverain, construit sur les fondements durables de l’histoire multiséculaire du peuple bélarusse ». Suit un éloge de la « génération héroïque » de la Seconde Guerre mondiale et un appel à « l’exploit ». De quoi soulever l’enthousiasme d’une jeunesse qui se sent pleinement européenne, et qui réinvestit la culture bélarussienne contre le néo-soviétisme officiel.
Dimanche 30 Juin
Une grosse journée s’annonce. Vladimir Poutine débarque pour assister à la cérémonie de clôture de la deuxième édition des « Jeux européens » qui se tient cette année à Minsk. Son hôte, en compagnie du président tadjik, lui sert du thé et des abricots. Dans un geste très commenté sur les réseaux sociaux, Alexandre Loukachenko offre également à son homologue russe, avec qui les désaccords grandissent… une tablette de chocolat sans sucre, fabriqué au Bélarus, « et amer », précise le président bélarusse. Un symbole des relations entre les deux pays ?
Le soir, dans son discours au stade, le Président prend soin de distinguer son pays de l’Europe démocratique mais en même temps de l’envahissante Russie. Selon lui, le Bélarus est « un pays d’Europe centrale vivant et se développant selon ses lois et ses traditions » (pas trop de démocratie « à l’occidentale », donc), mais aussi « un pays qui ne crée pas de problèmes et n’a pas d’exigences vis à vis de ses voisins » (« encore un carreau de chocolat amer, Vladimir ? »).
Lundi 1er Juillet
Un peu de repos.
Mardi 2 Juillet
Visite du président arménien Armen Sarkissian. L’Arménie est, tout comme le Bélarus, membre de l’Union eurasiatique créée et pilotée par la Russie. Il faut en profiter pour développer les relations horizontales, sans passer par Moscou ! Du coup, le même jour, le président bélarusse parle au téléphone avec le leader de l’Azerbaïdjan Ilham Aliyev, l’ennemi juré de l’Arménie. Et si Alexandre Loukachenko aidait à la paix entre les deux pays ? N’est-ce pas à Minsk qu’ont eu lieu les négociations mettant fin à la guerre ouverte entre l’Ukraine et les séparatistes du Donbass soutenus par Moscou ? Et tant pis si ces accords n’ont jamais été respectés ! Le rôle de grand pacificateur est avantageux.
Mais l’événement de la journée, c’est le discours-fleuve prononcé à la veille de la Fête de l’indépendance du pays. Alexandre Loukachenko adore ça ! Cette année la fête a un éclat particulier car le Bélarus célèbre le 75e anniversaire de la libération de Minsk. Dans une allusion transparente à l’agressivité du Kremlin, le président appelle son peuple à « défendre ensemble notre souveraineté ». Fidèle à sa ligne, il affirme refuser à la fois de faire acte de candidature à l’OTAN et se devenir un sujet de la Russie. Évoquant enfin la responsabilité, pour les Bélarusses, de défendre leur pays, il en profite pour glisser une tirade machiste : « La femme doit s’occuper de son domaine, et nous [les hommes] devons nourrir la famille et défendre la Patrie et notre famille, et notre femme ! ». Ça fonctionne parfaitement : applaudissements nourris dans l’assistance.
Mercredi 3 Juillet
C’est le grand jour. Le président adore les parades et les feux d’artifice. En uniforme et casquette, il préside la parade militaire. Après avoir évoqué l’horreur du conflit mondial, il flatte la nostalgie de l’URSS : « depuis 75 ans nous vivons sous un ciel sans nuages ».
Jeudi 4 Juillet
C’est la fête nationale américaine. Alexandre Loukachenko appelle Donald Trump pour le féliciter. Et explique que les relations amicales avec les Etats-Unis sont une priorité pour le Bélarus.
Vendredi 5 Juillet
Fête nationale du Vénézuela. Allez, un petit coup de fil à Nicolás Maduro, histoire de lui exprimer le soutien du Bélarus : « malgré les nombreuses difficultés, votre gouvernement continue de défendre avec force ses droits à l’indépendance et une voie de développement indépendante ». Et s’il appelait aussi Kim Jong Un et l’imam Khamenei, histoire de continuer à faire la paix dans le monde ?
*source : http://president.gov.by/ru/