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Couronne à vie russe. L’épidémie des autoritarismes

Il y a ceux qui souffrent, ceux qui luttent contre le Covid-19. Et ceux qui en profitent.


Le 10 mars dernier, alors que tout le monde regardait ailleurs, le Kremlin a mis en scène une petite comédie dont ses « technologues politiques » ont le secret. A la Douma (chambre basse), qui finalisait les modifications dans la Constitution russe, la députée Valentina Terechkova a proposé de « remettre les compteurs à zéro » (obnulit’, en russe) et de profiter de l’adoption de la nouvelle constitution pour permettre à Vladimir Poutine d’annuler ses mandats précédents pour pouvoir se présenter à nouveau. Après un coup de fil à l’intéressé, Vladimir Poutine débarque à l’assemblée. Il accepte l’offre, à condition qu’elle soit validée par la Cour constitutionnelle et le peuple lors de la consultation prévue le 22 avril prochain. L’amendement est adopté. S’il le souhaite, Vladimir Poutine pourra concourir aux présidentielles de 2024, puis à celles de 2030. En 2036, il aura 84 ans.


Plus que jamais, Vladimir Poutine oppose aux démocraties, qui connaissent l’alternance, une sorte de gouvernance du temps long. Au fond, c’est une dictature déguisée en démocratie. Mais elle se présente comme une formule pleine d’avenir. Poutine, ici, ne fait que suivre Xi Jinping, qui a supprimé la limitation à deux mandats présidentiels de cinq ans. Le maréchal Al-Sissi, en Egypte, a fait voter un projet de réforme constitutionnelle lui permettant de rester au pouvoir jusqu’en 2030. En attendant Erdogan, Modi ou d’autres dirigeants, prêts à reporter les élections pour cause de coronavirus ou à utiliser également des manœuvres institutionnelles ?


De la part du président russe, c’est une démarche parfaitement assumée. L’année dernière, son ex-conseiller de l’ombre Vladislav Sourkov a publié une tribune intitulée « La longue gouvernance de Poutine », qui critique le modèle « libéral » de démocratie. Pour Sourkov, « la capacité d'entendre et de comprendre le peuple, de tout voir en lui, en profondeur, et d’agir en adéquation avec lui, constitue la vertu principale et exceptionnelle de la gouvernance de Poutine. (…). Et par conséquent, elle est efficace et durable ». La manœuvre du Kremlin s’inscrit dans cette conviction.

Vladimir Poutine, qui compte fêter avec Emmanuel Macron et d’autres chefs d’État, la victoire contre le nazisme, le 9 mai prochain, est en train de réécrire le passé et l’avenir. Mais il profite de l’épidémie de Covid-19 pour faire interdire toute manifestation de mécontentement contre son putsch constitutionnel. Les grandioses envolées sur le nouveau modèle russe n’empêchent pas les vieilles ruses.


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