Belarus : une résistance solidaire
"La Place des changements", une cour d'immeubles dans un nouveau quartier à Minsk, est depuis les élections de cet été, célèbre dans tout le pays. Ses habitants inventent en permanence de nouvelles formes de résistance civile : des rencontres sur le thème de la démocratie, des concerts avec des musiciens qui s’opposent au pouvoir, des graffitis contre l’oppression, mais surtout beaucoup d'entraide et de solidarité.
En quelques mois, “La Place des changements” est ainsi devenue l’une des bêtes noires du régime et un symbole de résistance. Ses habitants sont interpellés, intimidés, surveillés, les drapeaux historiques du Bélarus (blanc-rouge-blanc) régulièrement décrochés, les graffitis effacés. En vain, car quelques heures plus tard drapeaux et graffitis réapparaissent et la résistance s’organise de plus belle. C'est dans cette cour d’immeubles qu’a été tué Roman Bondarenko, jeune artiste qui était descendu empêcher les policiers de recouvrir à nouveau les graffitis sur les murs.
Après sa mort, cette "Place des changements" s'est transformée la semaine dernière en véritable mémorial. Des milliers de minskovites sont venus s’y recueillir malgré les interdictions de se rassembler. Dimanche 15 novembre, c'est tout le quartier qui s'est ainsi retrouvé en état de siège. Les OMONs (la police) ont décidé de bloquer le quartier, empêchant les gens d’en sortir et d’y entrer. Ainsi, les manifestants venus s’y recueillir ne pouvaient plus rentrer chez eux sous peine d’être arrêtés. Les habitants du quartier ont décidé de les cacher toute la nuit dans leurs appartements et dans leurs caves, accueillant parfois jusqu’à 40 personnes dans une pièce. Le lendemain, ils ont alerté d’autres quartiers de la ville sur leur situation… La résistance s’est organisée, d’autres cours d’immeubles se sont mobilisées et se sont mises à s’agiter pour faire diversion, poussant les forces de police à intervenir ailleurs. Les habitants de la “Place des changements” ont alors pu évacuer au compte goutte les manifestants hébergés chez eux. Loukachenko, visiblement excédé, a ordonné à la Municipalité de leur couper l’eau et le chauffage.
Dans la foulée, c’est toute la ville qui s'est montrée solidaire : sur les réseaux sociaux et dans les fils de messagerie de quartiers, des centaines de personnes ont proposé un hébergement gratuit pour ces habitants. Et des citoyens ont mis en place un roulement de voitures chargées de bouteilles d'eau qui ravitaillaient le quartier assiégé, malgré les menaces d'arrestation.
Suite à ces événements, un contrôle accru des habitants a été instauré dans plusieurs quartiers de Minsk, connus eux aussi pour leur activisme citoyen (voir ci-dessous la carte de Minsk avec les quartiers marqués en orange).
Alice Syrakvash
Les photographies sont issues des fils Telegram bélarusses, pour certaines reprises par des médias qui couvrent l'actualité du Belarus depuis les élections.
תגובות